La Fabuloserie, située à Dicy dans l’Yonne, est un musée volontairement hors les codes et les œuvres du monde des arts.
La maison-musée et le « jardin habité » présentent plus de 1000 œuvres originales et féériques.
Cette année 2019 marque aussi un anniversaire symbolique : ce sont les 30 ans de l’installation du manège de petit pierre, une réalisation fascinante à bien des égards.
La Fabuloserie est née de l’imagination d’un homme
L’architecte Alain Bourbonnais, dès le milieu des années 70 a réfléchi à un lieu qui puisse rendre compte du caractère hors-normes des œuvres hors-réseaux qu’il collectionne alors. En effet, il est un fervent amateur d’art brut, défini par Jean Dubuffet en 1945 comme un art de « profanes » qui s’affranchit des normes et des règles. C’est ainsi que Alain Bourbonnais et son épouse Caroline ouvrent La Fabuloserie au public en 1983. A cette époque, parfois surnommé l’art des fous, l’art brut est aujourd’hui très tendance.
C’est également le créateur qui a trouvé le nom de ce lieu quelque peu surnaturel.
« Il rend compte du caractère féerique et merveilleux du musée. ‘’La Fabuloserie’’ désigne également la collection des petits cahiers à grand spectacle et les courts-métrages qu’il avait réalisés. » précise Sophie Bourbonnais, qui en assure la direction avec sa sœur Agnès, filles du créateur.
Quand l’originalité fait sens
C’est donc un musée qui n’existe nulle par ailleurs, tout autant unique dans les œuvres qu’il présente que dans sa configuration même.
« Ce musée offre un cadre singulier pour une collection hors-les-normes, un terme qui lui a été suggéré par Jean Dubuffet parmi d’autres appellations en 1972. Cela désigne l’art réalisé avec d’autres normes que celles de l’art officiel. Les créations sont réalisées le plus souvent par nécessité, fabriquées par des autodidactes pour lesquels l’acte créateur peut être pensé comme un travail passionné ou une sorte de « re-création ». Elles brouillent les catégories artistiques, dissolvent les frontières en s’inscrivant à la croisée de l’art populaire, l’art naïf, l’art brut, l’art outsider… Hors- les-normes est au-delà des normes. » L’astrophysicien Hubert Reeves l’a décrit comme un musée dans lequel « une émotivité bouleversante s’en dégage. Je défie quiconque de regarder sans un pincement de cœur les ’’Tribulations de la petite Mauricette’’ ».
Le Jardin Habité © La Fabuloserie
Une Fabuloserie, deux musées
C’est à un véritable parcours, que certains peuvent juger initiatique, que ce musée atypique nous invite.
Il y a d’abord « le jardin habité » et ses sculptures d’habitants-paysagistes : Camille Vidal, Jules Damloup, les girouettes de Jean Bertholle, mais aussi l’étonnant Manège de Petit Pierre, présenté ici depuis 30 ans cette année. Ce manège assez fascinant a été créé par Pierre Avezard, garçon vacher né avec une déformation faciale congénitale au début du XXe siècle. Il l’a construit de ses mains au gré de son imagination avec matériaux et objets qu’il glanait dans la ferme dans laquelle il travaillait.
En 1989, le Manège du Petit Pierre fut déménagé et remonté au sein du musée d’Alain Bourbonnais. Il est un exemple unique d’art brut cinétique qui a inspiré de nombreuses pièces de théâtre. Depuis, ce « cirque mécanique » tourne toujours grâce à des passionnés, qui successivement ont consacré tout leur temps libre à l’entretien de cette mécanique hors normes.
La Fabuloserie, c’est aussi une « maison-musée » où sont exposées plus de mille créations allant des dessins de Yanko Domsic aux bourrages de Francis Marshall, en passant par l’étonnante production des Turbulents d’Alain Bourbonnais lui- même. Un lieu si anti-institutionnel que le peintre et plasticien Jean Dubuffet l’a qualifié « d’anti-Beaubourg décentralisé », de « puissante citadelle du marginal. ».
